Suis-je jolie ? Ce n'est pas à mon miroir que j'ai posé la question, c'est à ma mère. J'avais onze ans. « Suis-je jolie ? » J'entends encore la réponse de ma mère. Elle s'est tatouée à tout jamais sur ma peau: « Non, mais tu as l'air sympathique et intelligent, et ça vaut beaucoup mieux. » J'étais désespérée. Car la sympathie et l'intelligence ne signifiaient rien pour moi. Il n'y avait qu'une alternative: jolie ou malheureuse. Ma mère venait d'un mot de me vouer au malheur. « Ça vaut beaucoup mieux. »
Sympathique et intelligente au lieu de jolie et élégante. Il m'a fallu des années pour prendre mon parti de ce destin. Est-ce un signe d'intelligence ? J'ai un sens aigu de la bêtise et un flair infaillible pour la détecter. Quant aux hommes chez lesquels je l'ai repérée, j'oscille entre un rejet immédiat, radical et sans recours, et une indulgence amusée, un mépris teinté d'attendrissement. « Je t'en supplie: sois beau et tais-toi ! » J'en ai fait fuir plus d'un par cette prière.
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